Bulletin 2e semestre 2005

 

MOT DE LA PRESIDENTE

Déjà  l’été... et le premier bilan de nos activités pour le premier semestre 2005. Notre traditionnelle assemblée générale annuelle s’est tenue à  Sotteville-les-Rouen ce qui nous a permis de visiter une superbe bibliothèque dans laquelle tous les espaces ont été pensés pour en faire un lieu d’accueil multiple, convivial et chaleureux. Le thème de l’après-midi « Bibliothèques et publics handicapés » traité à  la fois sous l’angle institutionnel et pratique s’est révélé...Seuls regrets : le faible nombre de participants à  cette journée...et la durée trop courte de l’AG dont nous reverrons l’organisation pour en faire un réel moment de discussion sur la vie de notre association. En mai, à  Caen, nous avons de nouveau participé au salon du livre. M. Peignet et Mme Mulot, bibliothécaires, en compagnie de M. Dramani-Issifou, poète et écrivain, ont animé une rencontre sur le thème « Bibliothèque et société pluriculturelle ». Enfin, cette année encore, le groupe Normandie était bien représenté au congrès national à  Grenoble. Tant le thème central « Droit des bibliothèque, droit des usagers » que les divers sujets abordés dans les nombreux ateliers ont satisfait nos attentes . Depuis le congrès de Toulouse, l’an passé, le travail réalisé par les différentes instances de l’ABF (bureau et conseil national, séminaire des groupes régionaux et groupe de travail) a permis de produire un projet de texte de refonte des statuts de l’ABF. Faute de quorum et de temps, l’assemblée générale de l’association n’a pu voter ce texte à  Grenoble. Toutefois, la discussion a pu s’y engager et certaines orientations y ont été prises. Une assemblée générale extraordinaire aura lieu à  Paris, le 17 octobre prochain au cours de laquelle ces statuts seront discutés et votés. D’ici là , je ne peux que vous inciter à  lire le projet de texte sur le site de l’ABF, à  vous exprimer et participer au vote

La ballade littéraire de rentrée, le 26 septembre à  Caen, et le séminaire sur « l’information et l’animation scientifique et technique en bibliothèque » à  Cherbourg les 21 et 22 novembre, nous réunirons d’ici la fin de l ‘année.

D’ici là , je vous souhaite de lire ce bulletin au repos et au soleil...A toutes et à  tous, bonnes vacances.

Bernadette TROALEN, présidente

ASSEMBLEE GENERALE GROUPE NORMANDIE LUNDI 7 MARS , SOTTEVILLE-LES-ROUEN

Après un accueil sympathique autour d’un café, Mme Sylvie Auzoux, directrice de l’établissement, nous a conduit à  travers les différences espaces de la bibliothèque. Le bâtiment, conçu par l’architecte Henri Godin a la forme générale d’un piano à  queue. L’ensemble a été conçu en commun avec les bibliothécaires au cours d’un travail qui a duré deux ans. Toutes les fonctions de la bibliothèque sont réparties dans des zones bien délimitées qu’il faut traverser pour aller des unes aux autres : la zone « découverte », grande nef où sont rassemblés les documentaires adultes, la zone « infodoc » autour de toutes les démarches de la vie quotidienne, la ludothèque dans laquelle sont organisées des soirées jeux, la zone des enfants , la zone « forum » conçue comme un espace intergénérationnel, la zone « famille », un peu en dehors mais facile d’accès, où peuvent se rassembler les petits et leurs parents, sous une très belle lumière et où se cà´toient l’espace à  langer et celui de l’heure du conte. On y trouve aussi, bien sûr, la zone « fiction », la zone de travail ou salle d’étude très calme mais très moderne : salle multimedia, accès libre à  internet, laboratoire de langue et atelier de conversation, salle de travail de groupe..., une zone « musique » multisupports (livres, partitions...) et enfin une zone « documentaire » /zone mémoire, espace le moins éclairé, en lumière tamisée, où se ressent l’ambiance « ancienne bibliothèque ». Cette structuration de l’espace, très réfléchie, est le résultat d’un travail autour d’une question « Que vient - on faire à  la bibliothèque ? » Tous les usages qui ont été définis : travailler, bavarder, se rencontrer, flâner...seul ou en famille...se sont traduits par tous ces espaces aux ambiances spécifiques et différentes qui veulent permettre les rencontres sociales puisqu’il faut cheminer de l’un à  l’autre pour se déplacer dans la bibliothèque et, éventuellement, se retrouver dans le patio central, puits de lumière ouvert au public. Cet équipement chaleureux et accueillant nous a tous séduit et nous vous en conseillons vivement la visite !

S’est tenue ensuite l’assemblée générale statutaire annuelle, beaucoup trop courte. Un compte-rendu des activités 2004 a pu quand même y être présenté, ainsi que le budget 2004 : ce budget est en équilibre grâce à  nos réserves de trésorerie ce qui ne pourra pas se poursuivre indéfiniment. Nos recettes proviennent des journées d’étude que nous organisons et dont il faudra peut-être augmenter les coûts, du reversement des cotisations des adhérents (dont le nombre se maintient à  une centaine) et des subventions accordées par les DRAC de Haute et basse Normandie. Enfin, Michèle Pastor, sa responsable, a fait le point sur la formation ABF qui se déroule en Haute-Normandie ( à  Rouen ou dans l’agglomération ) mais avec des participants de Haute et Basse-Normandie. Elle existe depuis douze ans avec une équipe de fidèles (environ 14 professionnels). En 2004, 19 stagiaires ont suivi la formation et ont obtenus l’examen. En 2005, 20 stagiaires sont inscrits. Cette formation se fait dans le cadre d’une convention signée avec la ville de Val-de-Reuil (logistique et disponibilité de M. Pastor) Enfin, M. Pastor participe à  la commission pédagogique nationale (suivi des programmes et des sujets d’examen) et a participé à  l’élaboration du fascicule « Cataloguer, mode d’emploi » dans la collection Médiathèmes.

Vous pourrez lire ci-dessous certaines des interventions sur le thème de l’après-midi : Bibliothèques et publics handicapés. Bernadette Troalen

Thème : BIBLIOTHEQUES ET PUBLICS HANDICAPES

Intervention de Monsieur François-Xavier ANDRE , chargé de mission au bureau du développement de la lecture (DLL)

L’action du MCC est ancienne dans le domaine de l’accès au livre des handicapés : en 1988, était organisée la première formation de bibliothécaires sur cette question en partenariat avec le Centre national d’études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations de Vanves (CTNERH) 2003, année européenne du handicap a vu cette dynamique se renforcer.

I. Action de l’état en matière d’accueil des handicapés et d’accessibilité des bibliothèques.

1. La commission nationale culture handicap

La commission "culture-handicap" a été crée 1er février 2001 (J.O. Numéro 32 du 7 fév. 2001) dans le cadre du plan gouvernemental en faveur des personnes handicapées. Son but est d’instaurer un dialogue avec les associations et de coordonner les actions des deux ministères concernés (ministère de la culture et de la communication et ministère chargé des handicapés) à  travers la question de l’offre culturelle offerte aux handicapés. Enfin, la commission est porteuse d’un certain nombre de projets.

La commission nationale culture-handicap est organisée par le ministère de la culture, délégation au développement et à  l’action internationale.

Elle est formée des associations représentatives (10 associations) et des représentants des ministères (les deux ministres et leurs directeurs et délégués) ainsi que de personnalités qualifiées.

La Commission de 2001 a débouché sur la mise en place d’un plan d’action, sur lequel le ministère de la culture s’est engagé à  présenter des résultats. Ces projets ont porté sur 15 points.

La commission nationale « culture handicap » a décidé en 2002 d’organiser des rencontres nationales « culture-handicap » en 2003 à  Bourges. Ces rencontres ont permis des échanges entre les différents partenaires du handicap (Etat, associations, collectivités territoriales, institutions spécialisées...) et de dresser quelques pistes de travail pour les années 2004-2005.

2. La charte d’accueil des personnes handicapées

La charte d’accueil des handicapés est l’une des réalisations de la commission nationale de 2001. Il s’agit d’un texte incitatif qui donne les grandes orientations pour l’accueil des handicapés dans tous les établissements culturels.

Elle est structurée par quelques grands principes : ? L’amélioration du confort d’usage pour les handicapés apporte plus de confort à  tous les utilisateurs (cf. rampes d’accès pour les personnes âgées ou les poussettes, surtitrages, gros caractères pour les dyslexiques) ? Une politique de développement de la fréquentation par les handicapés des établissements culturels est transférable à  beaucoup d’autres publics. ? En interne, l’accueil des handicapés est une fonction valorisante.

Elle s’appuie sur une méthode : ? L’état des lieux doit être partagé par les différents partenaires, ? La simplicité des solutions proposées doit permettre le respect maximal de l’autonomie, ? Le respect des normes d’accessibilité doit être intégré dans un plan global de circulation et d’accès.

Elle est construite autour de trois articles : ? Accessibilité du bâti (détail des normes et points à  respecter) ? Communication et information des handicapés (nécessité d’une véritable politique de communication et d’information en direction des handicapés pour informer sur l’offre culturelle, développement des signalétiques pour tous types de handicap). ? Accessibilité de l’offre culturelle et des collections.

II. Action de l’état en faveur de l’édition adaptée aux DV : édition et diffusion en bibliothèques

1. Soutien aux bibliothèques

1.1 Les acteurs

Au niveau national, les responsabilités en matière de handicap sont partagées par trois principaux acteurs :

? La DLL : pour animer, coordonner, impulser les politiques publiques en matière d’accès au livre des personnes handicapées.

? La BPI a pour mission d’animer un réseau de bibliothèques publiques possédant des collections adaptées, notamment à  travers la gestion de la BDEA. Elle joue en particulier le rà´le de relais d’information.

? Le CNL à  travers le bureau de la diffusion du livre en bibliothèques est chargé de distribuer des aides aux bibliothèques, notamment pour la constitution des collections adaptées.

1.2 Signalement des collections adaptées : la BDEA

La Banque de données de l’édition adaptée (BDEA) a été créée en 1995 par le ministère des affaires sociales (DGAS) et le ministère de la culture (DLL). La gestion de la base de données a été déléguée par ces deux ministères à  deux de leurs établissements publics : l’Inja (institut national des jeunes aveugles) et la Bpi.

L’Inja est chargé du pilotage des aspects informatiques du projet et du catalogage des notices issues des bibliothèques associatives, la Bpi de l’alimentation de la base en notices émanant des bibliothèques publiques

Aujourd’hui la BDEA compte environ 70 000 notices d’ouvrages adaptés. Les notices spécifient le type d’adaptation disponible (braille intégral, abrégé, musical, gros caractère, enregistrement, etc...).

La BDEA permet la localisation des documents adaptés. Pour éviter les catalogages multiples (i.e. bibliothèque en local + bpi pour la bdea), une interrogation multibases via la Z3950 est en cours de déploiement (notamment avec la bibliothèque de Montpellier).

Par ailleurs, la BDEA permet l’interrogation d’autres bases d’édition numérique et/ou adaptée : Gallica (France), la Bibliothèque du Congrès (USA), le Serveur Hélène (France), INCA (Canada), le catalogue de l’association de donneurs de voix (France) et la Bibliothèque Braille Romande et Livre Parlé (Suisse)

1.3 Soutien à  la formation des bibliothécaires

? La Bpi Le mandat de la Mission lecture-handicap comporte aussi un volet de formation des bibliothécaires. Pour cela, elle organise des journées annuelles d’étude et de formation pour les bibliothécaires (aux alentours d’octobre). L’objectif de ces journées est d’informer et faire se rencontrer les professionnels des bibliothèques et des structures associatives, etc... Il s’agit donc de favoriser la création d’un réseau de professionnels.

Les dernières journées organisées ont eu pour thèmes : ? Montpellier en 2001, « bibliothèques publiques et personnes handicapées visuelles » ? Troyes en 2003, sur « l’édition en faveur des publics déficients visuels » ? Marseille en octobre 2004 sur le thème « quelles manifestations culturelles pour le public handicapé »

1.4 Soutien à  la constitution des collections adaptées

Le Cnl peut aider les bibliothèques publiques à  constituer des collections de fonds adaptés aux déficients visuels, dans le cadre des aides au développement des fonds thématiques.

? Quelles sont les modalités d’attribution de ces aides ? ? L’établissement doit satisfaire à  des critères portant sur le personnel, le budget annuel d’achat de livres et de périodiques, les heures d’ouverture. ? Constitution d’un ensemble documentaire cohérent. ? Projet d’au moins 1 600 €. ? Ampleur des aides : ? Jusqu’à  50 % des montants engagés par la collectivité. ? Modalités de ces aides ? Acceptation du dossier après avis du CLL de la région.

2. Soutien aux éditeurs / transcripteurs

2.1 Les interventions publiques (1) : soutien à  la production

La DLL apporte son concours financier à  des projets portés par les associations. Chaque année, une douzaine d’associations oeuvrant dans le domaine du handicap sont aidées.

La DLL veille à  allouer des subventions à  un large panel de structures variées : édition tactile pour enfants, édition tactile de découverte des monuments historiques (sensitinéraires), recherches sur les nouvelles technologies au service de l’accès à  la lecture des DV (exemples de Daisy, du serveur hélène) Les principaux transcripteurs sont ainsi subventionnés par la DLL : LDQR, CTEB, ANPEA, GIAA, AVH, Braille net ...

2.2 Les interventions publiques (2) : soutien à  la diffusion

Pour faire connaître au grand public l’édition adaptée, l’Etat co-organise des stands sur les salons du livre de Paris et Montreuil : ? Pour le salon du livre de Paris : ? Co-organisation Cnl, BPI, DLL ? Stand spécifique à  l’édition adaptée. Ce stand est construit autour de trois pà´les : le pà´le braille, le pà´le grand caractère, le pà´le édition numérique. ? Sur le stand, présence des transcripteurs associatifs, des éditeurs gros caractères et d’acteurs de l’édition numériques (Web sourd, Braille net, Inja, ...)

? Pour le salon du livre jeunesse de Montreuil : ? Organisation en partenariat avec une association : l’ANPEA (Association nationale des parents d’enfants aveugles) ? Présentation des livres jeunesse destinés aux DV réalisés par les principaux transcripteurs/éditeurs : LDQR, Cteb, CSI, ANPEA, Benjamins-media

Intervention de Madame Ramatoulaye FOFANA, chargée de mission à  la Mission Lecture et Handicap de la BPI.

La commission culture et handicap : les groupes de travail des établissements publics

1ère phase : En 2003, le Ministre de la culture a confié à  la CSI et au Musée du quai Branly la mission d’animer des groupes de travail chargés de proposer des mesures concrètes visant à  améliorer à  court terme l’accueil des publics handicapés dans les établissements culturels.

Mise en place de 6gpes :
-  amélioration de la prise en compte des personnes malvoyantes
-  Utilisation des pictogrammes
-  Accessibilité des sites internet
-  sensibilisation-formation du personnel
-  accessibilité des bâtiments existants

Participants :
-  CSI + Parc de la Villette
-  Château de Versailles
-  Centre des monuments nationaux
-  Opéra national de Paris
-  Musée du quai Branly
-  Centre Pompidou
-  Cité de la Musique
-  BNF
-  Monum’
-  Musée du Louvre
-  Muséum d’histoire naturelle
-  Palais de la découverte
-  Basilique Saint-Denis
-  Théâtre national de Chaillot

Résultats :
-  réalisation de carnets de préconisations ou de conseils
-  de supports d’échanges d’information sur les formations de personnel
-  documents de diagnostic sur l’accessibilité
-  et bien sûr, très concrètement dans les différents établissements, des réalisations : ex : refonte du site internet de la BNF pour une accessibilité aux déficients visuels + nouvelle signalétique dans les déambulatoires.

Dispositif qui a l’intérêt de permettre une mise en commun d’expérience + expérimentations facilement diffusables.

Fin de la première étape mai 2004. Proposition de mise en place de nouveaux groupes de travail, début de la deuxième phase :
-  Emploi des personnes handicapées
-  Harmonisation des politiques tarifaires
-  Accueil des visiteurs handicapés mentaux
-  Application des nouvelles technologies pouvant améliorer l’accueil des visiteurs handicapés
-  Promotion- communication de l’offre en direction des personnes handicapées et de leurs relais + élargissement nombre d’établissement : Bpi, RMN, Musée de la Marine, Musée de l’air et de l’espace, CNAM des arts et métiers, Musée de l’armée. Là  encore l’idée est de parvenir rapidement à  des résultats concrets. Exemple : promo-com : news-letter commune, demandes à  des médias grand public d’intégrer l’info concernant les publics handicapés dans leur publication, semaine de l’accessibilité

Mise en place de dispositifs similaire mais entre bibliothèques me semble intéressant...

L’accueil des publics handicapés en bibliothèques : quelques expériences

Il faut commencer par rappeler qu’il n’existe pas de solutions « clés en main ». J’ai limité ma présentation aux expériences de grands établissements dépendant du ministère de la culture avec toutefois des références à  des expériences novatrices émanant de BM plus modestes. Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, je dirai que l’accueil des personnes handicapées en bibliothèques ne va pas sans :
- des moyens d’abord matériels et humains
- du temps, de la patience beaucoup
- une approche globale et transversale

L’accessibilité globale :

Quelque soit la bibliothèque, son action doit aujourd’hui s’inscrire dans un projet global. Dans la mesure où l’on connaît les difficultés rencontrées par certaines personnes handicapées pour organiser leurs loisirs et sorties, on peut dire aujourd’hui que l’accessibilité des abords immédiats de la bibliothèque est presque plus importante que l’accessibilité de la bibliothèque elle-même.

Ainsi, à  Montpellier, l’espace Homère de la BMVR, dédié à  l’accueil des déficients visuels s’intègre dans un dispositif global d’accessibilité. Les abords immédiats de la bibliothèque sont desservis par bus et des trams. En outre un véhicule du GIHP propose de conduire les personnes handicapés jusqu’à  la bibliothèque : La ville est largement équipée de balises d’audio guidage qui s’activent à  l’aide d’un boîtier personnel. Ce boîtier délivre des informations vocales jusqu’à  l’intérieur de la bibliothèque. Ce dispositif est complété par des ascenseurs braille et des bandes rugueuses au sol. La Salle Louis Braille de la Cité des sciences propose également un cheminement rugueux et une signalétique sonore (fontaine) et odorante (plantes).

La Bnf, malgré ses efforts en matière de mise à  disposition de matériel, reste peu fréquentée par les personnes handicapées, du fait de son manque d’accessibilité. Pour y pallier elle propose néanmoins un accompagnement depuis la station de métro. Elle a également mis en place une cellule handicap dont le travail commence à  porter ses fruits : après avoir fait établir par un ensemble d’associations un diagnostic portant sur l’accessibilité de la BNF, la cellule a rédigé un plan d’action disponible sur le site internet de la BNF.

Les collections :

En ce qui concerne les collections, leur constitution dépend bien sûr du type de publics handicapés que l’on souhaite atteindre : j’insiste donc sur la nécessité de mener une véritable étude des publics susceptibles d’utiliser les services de la bibliothèque avant de se lancer dans leur mise en place. Par exemple, à  la Bpi, le choix a été fait de ne pas avoir de collections adaptées en braille, relief, gros caractères. En effet, de par sa situation géographique, la Bpi se trouve à  proximité de très importantes bibliothèques braille et gros caractère à  Paris : celle de l’Avh notamment 27000 titres ou du GIAA. De même à  Marseille, et Montpellier, proposent peu d’ouvrages en braille : la priorité est donnée au gros caractère et au sonore. A Toulouse en revanche, la bibliothèque a mis en place un partenariat fructueux avec le CTEB : près de 3000 ouvrages et revues en braille. Pour les personnes sourdes, l’offre d’édition adaptée reste très faible : IVT, Monica Companys proposent quelques ouvrages et cédéroms. Les sourds signeurs sont très demandeurs de documents concernant la culture sourde, l’histoire des sourds. Compte tenu des graves problèmes d’illettrisme chez les personnes sourdes, il peut également être envisagé d’acquérir des ouvrages en « français facile », ou dits de lecture facile. La BM de Dunkerque qui réalise un travail exemplaire depuis plusieurs années maintenant auprès de al population sourde a constitué un fonds spécifique qui semble bien tourné. Mais au-delà  des heures du conte signées et autres activités ponctuelles, ce qui fait la différence c’est l’existence d’un accueil en langue des signes, qui apparaît comme un préalable au développement d’actions en direction des publics sourds en bibliothèques. C’est une demande récurrente et cette exigence semble être le meilleur moyen de fidéliser ce public.

Le matériel et les services :

Contrairement aux publics déficients visuels, les aides techniques sont quasiment inexistantes en ce qui concerne les sourds (hormis boucle magnétique, webcam). Je vous disais tout à  l’heure, que la Bpi avait fait le choix de ne pas proposer de collections adaptées. Donc dès le départ, accent a été mis sur le matériel mais plus encore sur l’accompagnement humain : la Bpi fonctionne donc avec une équipe de guides bénévoles qui accompagnent les lecteurs qui le souhaitent dans leur démarches de recherche (à  la Bpi mais également dans d’autres bibliothèques comme la BNF) et font énormément de lectures à  voix haute.

L’équipement standard des loges se compose de plages braille, synthèse vocale, Zoom text, scanners, imprimante A3, vidéo agrandisseur, machines à  lire

Nous proposons également des formations aux outils : En effet, tous les déficients visuels ne sont pas familiers des nouvelles technologies, ou ne savent pas utiliser les aides techniques. C’est une demande très forte, à  la base de la réussite de services comme celui de la médiathèque de la Villette ou de l’œil et la lettre à  Toulouse. Il est également important de travailler avec du personnel déficient visuel : là  aussi suscite un effet de confiance immédiat et véritablement profitable au public (référent dans la bibliothèque sur l’accessibilité, facilite le dialogue avec le monde associatif mais j’y reviendrai).

Mais c’est une chose de faire venir les publics handicapés dans votre bibliothèque, c’en est une autre de nier la demande de services à  distance : prêt à  domicile, Prêt de e-book comme à  la médiathèque de Boulogne Billancourt. Le logiciel mobypocket reader permet le téléchargement de documents chronodéchargeables, sur plusieurs supports : Palm et autres assistants personnels, smart phones, tablettes numériques PC. En outre, ce logiciel permet l’agrandissement de caractères et le rétro éclairage. Il faut également veiller à  ce que les sites internet des bibliothèques soient accueillants donc accessibles !!!

En ce qui concerne la politique d’animation une des conclusions que l’on a pu tirer de la dernière journée d’étude organisée par la Mission lecture et handicap et la BMVR de Marseille et qui était dédiée à  cette question, c’est la nécessité d’inscrire les actions dans la durée. La formule des ateliers fonctionne bien avec le public handicapé, actions régulières. Toulouse et Boulogne propose ainsi régulièrement des films en audio description ; la Villette travaille sur l’accessibilité de toutes les expositions. D’une manière générale, la politique d’animation gagne à  être élaboré en partenariat avec les associations.

La question des partenariats :

C’est en effet un point crucial : il faut avoir un ou plusieurs points d’ancrage dans le monde associatif. Face à  un public souvent captif un travail en complémentarité s’impose. Je crois qu’il y a véritablement une action à  mener hors les murs auprès de ces publics. Pour rester sur l’exemple de Boulogne-Billancourt, la bibliothèque a mis en place un partenariat avec l’école médico-pédagogique de la Croix -rouge. Elle a ainsi réalisé un imagier pour l’exposition « tout notre monde ». Elle a également un partenariat avec l’AVH pour les séances de cinéma en audio description. Le partenariat avec des écoles et instituts spécialisés est plus fréquent : Toulouse, Chambéry, Bpi., Marseille.

Ccl : Enfin, il faut je crois s’attacher à  créer des services qui favorisent au maximum une utilisation autonome de la bibliothèque par les personnes handicapées : cela passe bien sûr par un travail sur l’accessibilité du bâtiment, mais aussi par la mise en place de services spécifiques mais non stigmatisants. La sensibilisation de tous les personnels de la bibliothèque doit être une priorité : l’accueil des publics handicapés doit être l’affaire de tous.

Intervention de Madame Annie HELOT, conservateur, chef de section, BU sciences Caen

Le confort d’usage à  la BU des sciences du campus 2, à  Caen (14)

Note préalable :

Accueil : tout(e) étudiant(e) inscrit(e) à  l’Université et le souhaitant, peut être accompagné(e) par la « Cellule étudiants handicapés » rattachée au Service de la Scolarité générale. Il/elle est reçu(e) par des personnes ayant les compétences requises. Ses difficultés sont analysées et toute solution possible est mise en œuvre.

Environnement : le campus 2 « Cà´te de Nacre » est un campus né peu avant les années 1970 ; il a été construit sur un plateau au Nord de la ville, en direction de la mer. Il est distant de 3km du campus « historique », campus quasi de centre-ville mais étagé, et donc moins accessible. La nouvelle BU des sciences a ouvert au public en novembre 2003. Le Rectorat, maître d’ouvrage, a travaillé avec des associations locales de personnes handicapées.

I - Prise en compte de handicaps « visibles » :

1) Personnes aveugles ou amblyopes :

- esplanade de plain-pied
- portes d’entrée électriques
- bande rugueuse jusqu’aux 3 postes d’accueil
- braille dans l’ascenseur
- braille derrière la poignée des portes de locaux destinés au public : sanitaires H et F, salles de travail en groupe, salle de formation
- escaliers éclairés en lumière naturelle et peints en couleurs vives
- contre-marches dans les escaliers, pour faciliter la préhension des marches par la canne et les pieds
- ajout de stores électriques en toile claire pour compléter l’action des volets en bois et limiter l’action du soleil dans un bâtiment tout verre ; la lumière est donc tamisée en cas de forte luminosité (éviter l’éblouissement)
- signalétique de bâtiment agrandie par rapport à  la norme ; choix du blanc sur bleu (moins bon que noir sur jaune, mais assurant une bonne lecture des informations)
- signalétique d’étagères : agrandie également ; blanc sur noir
- éclairage additionnel sur tables 2ème étage (en plus des 400 lux ambiants)
- logiciel adapté aux personnes amblyopes installé sur un des PC

2) Personnes en fauteuil roulant (ou se déplaçant avec béquilles) :

Il peut s’agir de personnes handicapées de façon permanente ou provisoire (étudiants des STAPS, en particulier) ; Les aménagements décrits prennent également en compte les femmes enceintes, les personnes présentant une corpulence particulière, en particulier une petite taille ou au contraire une taille très élevée, etc...)

- esplanade de plain-pied
- portes d’entrée électriques
- WC pour personnes handicapées, 1 cà´té H, 1 cà´té F pour le public, au RDC le personnel, lui, dispose de 2 WC par niveau (10 au total : à  chaque fois 1 H + 1 F, aux normes personnes handicapées)
- partie médiane de la banque de prêt (=1 poste sur les 3) mobile : l’usager peut faire bouger la partie haute et la partie basse à  sa convenance. Le personnel lui, n’en est pas affecté.

- 5 tables par salle de lecture (10 au total) sont mobiles : l’usager peut les faire monter ou descendre à  sa convenance (il avait été prévu qu’il/elle puisse mémoriser le réglage mais cette option n’a pas été mise en place) ; on leur a adjoint une chaise dactylo
- les petits meubles « station debout » -répartis dans les salles- sur lesquels reposent les catalogues informatisés, sont réglables en hauteur également
- les autres ordinateurs sont tous positionnés de façon à  être accessibles confortablement (avec chaise dactylo)
- photocopieur et lecteur de carte de paiement surbaissés (1 sur 3 au RDC)
- double rampe dans l’escalier central, pour l’appui des personnes de petite taille
- mobilier choisi dans une hauteur qui permette la prise en mains des documents sans difficulté : 1.75 m pour les ouvrages et 2 m pour les périodiques ; fond et cà´tés pleins ; serre-livres adaptés
- fauteuils et chaises à  large assise et sans accoudoir pour prendre en compte les personnes à  forte corpulence

3) Personnes sourdes ou malentendantes :

Une BU est un bâtiment où le silence est requis dans le règlement intérieur ! Le confort acoustique y a donc été particulièrement soigné. Donc pas d’effet « hall de gare » à  craindre, et pas de brouhaha dans l’appareillage ! La surdité ne devrait pas être un problème majeur dans ce lieu ; néanmoins, il manque peut-être un équipement au niveau de l’accueil...
- possibilité d’utiliser les salles de travail en groupe (9 au 1er étage et 5 au 3ème étage) pour pouvoir parler à  voix haute avec des co-disciples.

II - Prise en compte des handicaps « invisibles », ou de phobies :

1) Personnes claustrophobes :

- tous les escaliers (3 pour le public ; 1 réservé au personnel) sont éclairés naturellement (pavés de verre en terrasse pour les 2 médians ou grandes fenêtres pour les 2 des pignons), avec un complément en éclairage artificiel
- les 2 vastes salles de lectures (85 m sur 35m) et les 900 places assises permettent de trouver un endroit où s’installer qui corresponde à  son état d’esprit...

2) Personnes souffrant de vertige :

- ascenseur traditionnel et non tout en transparence comme dans beaucoup de bâtiments dits « modernes »
- contre marches dans les escaliers (on ne voit pas de vide sous ses pieds)
- gardes corps des 2 mezzanines surélevés de 20 cm par rapport à  la norme actuelle
- verre sablé

3) Personnes anxieuses :

Le bâtiment est mis sous surveillance vidéo, les écrans de surveillance sont visibles de tous, à  la banque de prêt, donc dès l’entrée dans la bibliothèque ; le public s’assure ainsi qu’il ne s’agit pas de caméras factices...

Le personnel est visible dès l’entrée dans le bâtiment et la banque d’accueil a été positionnée de façon à  ce que les regards soient réciproques : le public voit immédiatement le personnel et le personnel voit le public de façon circulaire : sas, hall, anti-vols, photocopieurs, ascenseur, escalier, et une grande partie de la salle de lecture du RDC. Au 2ème étage (niveau 3ème cycle-recherche) 4 bureaux ont été installés dans la salle de lecture ; 5 bibliothécaires sont ainsi en accès direct avec le public

III - Autres informations concernant le bâtiment :

Pour signaler sa fermeture le soir, 3 signaux sont utilisés conjointement :
- 1 signal sonore (actuellement sonnerie ; à  remplacer dans l’idéal par jingle ou sonorisation du bâtiment)
- 2 signaux lumineux : diminution de l’éclairage ambiant et baisse des stores

Ergonomie pour le personnel :

-  bureaux individuels pour les bibliothécaires ; ces bureaux sont plus grands que la moyenne actuelle
-  un grand secrétariat pour 2 collègues
-  2 tables soulève-table à  proximité de chaque salle de lecture
-  une salle de 150 m2 au 3ème étage pour les magasiniers : (7 personnes) avec pour chacun(e) une grande table, un ordinateur et un équipement individuel pour mettre ses affaires personnelles sous clé
-  une salle de tri de 50m2 au RDJ pour les magasiniers
-  magasin de plain-pied
-  téléphonie individuelle sans fil

Ergonomie pour l’entreprise de ménage :

-  un local ménage par étage (5 en tout) pour remiser le matériel d’entretien, avec ballon d’eau chaude
-  un local de tri sélectif, avec point d’eau, au RDJ, en relation directe avec l’extérieur

Conclusion concernant le confort d’usage :

1) Tout aménagement pensé pour les personnes handicapées est intéressant pour tous les autres usagers, d’où la notion plus large de « confort d’usage »

2) Quand ces aménagements sont réalisés au cours de la construction, le surcoût est peu élevé. A contrario, ils peuvent devenir complexes (voire impossibles) et onéreux lorsqu’ils doivent être rajoutés dans un deuxième temps

Bibliographie sur les bâtiments de bibliothèques, et autres... (Liste non exhaustive, mais documents tous présents dans le fonds de la BU sciences)

Des bâtiments publics pour tous : accessibilité et confort d’usage / Ministère de l’équipement, du logement, des transports et du tourisme - Paris : Direction des l’habitat et de la construction ; Bureau des constructions publiques, 1997 - 24 p.

Bertrand, A.M. et Kupiec, A. - Ouvrages et volumes : architecture et bibliothèques - Paris : Cercle de la Librairie, 1997 - 212 p. - (Collection Bibliothèques)

Bisbrouck, M.F. (dir.) - Les Bibliothèques universitaires : évaluation des nouveaux bâtiments (1992-2000) - Paris : La Documentation française, 2000 - 152 p.

Bisbrouck, M.F. (dir.) - Bibliothèques universitaires : nouveaux bâtiments, nouveaux services - Paris : Ministère de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie ; Direction de l’Enseignement supérieur, [s.d.] - 27 p. + 32 p.

Bisbrouck, M.F. et Renoult, D. (dir.) - Construire une Bibliothèque universitaire : de la conception à  la réalisation - Paris : Cercle de la Librairie, 1993 - 303 p. - (Collection Bibliothèques)

Bisbrouck, M.F. et Mittler, E. (dir.) - The post modern library : between functionality and aesthetics : proceedings of the LIBER architecture group, Paris 22-26 january 1996 - Graz : Akademische Druck-u Verlagsanstalt, 1997 - 302 p.

Cazeneuve, P. - l’accessibilité pour tous aux TIC : l’accueil adapté de personnes handicapées dans un espace public multimédia - Paris : CREaTIF, 2001 ? - 42 p. (Cahier de partage d’expériences)

Chaintreau, A.M. et Gascuel, J. - Votre bâtiment de A à  Z : mémento à  l’usage des bibliothécaires - Paris : Cercle de la Librairie, 314 p. - (Collection Bibliothèques)

Construire et aménager un lieu de travail : les obligations réglementaires / Ministère de l’emploi et de la solidarité - Paris : La Documentation française, 2000 - 125 p.

De Poli, A. - Bibliothèques : architectures 1995-2005 - Paris : Actes Sud ; Motta, 2004 - 278 p.

Gascuel, J. - Un espace pour le livre : guide à  l’intention de tous ceux qui construisent, aménagent ou rénovent une bibliothèque - Paris : Cercle de la Librairie, 1993 - 420 p. - (Collection Bibliothèques)

Geleijnse, H. et Grootaers, C. - Developping the Library of the Future : the Tilburg Experience - Tilburg : the Tilburg University press, 1994 - 151 p.

Grosbois, L.P. - Handicap et construction : conception et réalisation : espaces urbains, bâtiments publics, habitations, équipements et matériels adaptés - 5è éd. - Paris : Le Moniteur, 1999 - 343 p.

Grunberg, G. (dir.) - Bibliothèques dans la cité : guide technique et réglementaire - Paris : Le Moniteur, 1996. - 452 p.

Mittler, E. (dir.) - The Renaissance of the Library : adaptable library buildings : documentation of new library buildings in Europe - Gà¶ttingen : LIBER, 2004 - 367 p.

Zribi, G. et Poupée-Fontaine, D. - Dictionnaire du handicap - 5è éd. - Paris : Editions ENSP, 2004. - 351 p. (Voir en particulier la définition de « handicap », p. 184-198 et « accessibilité », pages 13-15)

TABLE RONDE DU SALON DU LIVRE DE CAEN Dimanche 22 mai , 10H15-11H30 Thème : BIBLIOTHEQUES ET SOCIETE PLURICULTURELLE

Quelle capacité les bibliothèques ont-elles à  prendre en compte les besoins de mémoire, d’identité culturelle et de citoyenneté dans une société pluriculturelle ? Doivent-elles favoriser la visibilité d’ensembles culturels bien particuliers ( comme dans le monde anglo-saxon) ou au contraire favoriser ce qui les rapproche en les fondant dans un ensemble « universel » ? Quelle offre culturelle, dépassant la simple notion de collections, proposer à  des communautés ethniques aux besoins et aux attentes parfois mal connus ? Noà«lla DU PLESSIS, directrice BM Caen

Zackari Dramani-Issifou, écrivain d’origine béninoise, nous a fait part de son expérience « comme élément pluriculturel en tant qu’Africain ».

La question de la « multiculuralité » n’est pas étrangère à  l’Africain de par les vicissitudes de l’histoire. La question c’est en fait celle du projet. Quelles sont les conditions qui ont amené l’immigré à  quitter son territoire ? D’où vient-il ? De la ville, de la campagne, de l’élite ? Autant d’expériences et de situations différentes. Lorsqu’on est en situation de non traumatisme, il est possible de s’ouvrir aux autres, d’utiliser les ressources pour nourrir sa démarche. Mais quelle est donc la dynamique vers l’autre, vers la connaissance et le savoir ? Tout d’abord conforter ses racines, retrouver les éléments de sa communauté d’où le rà´le des associations et le nécessaire lien permanant ou cyclique entre associations et bibliothèques. L’immigré, moins oppressé, moins stressé pourra alors aller vers la bibliothèque pour retrouver sa culture, s’enrichir des débats, entreprendre ce qu’il cherche personnellement pour s’insérer dans sa communauté, dans la communauté française.

Au final, nous dira Zakari Dramani Issifou, c’est l’individu et non le communautaire qui joue le rà´le central. Christiane LE BOSSE, directrice BM Hérouville Saint Clair

Intervention de Françoise MULOT, Conservateur de la Médiathèque du Pays de Flers

BIBLIOTHEQUE ET SOCIETE PLURICULTURELLE Un exemple à  Flers : contrat de ville et Plan de Lecture et Ecriture

1 - Flers ville multiculturelle La Communauté d’agglomération du Pays de Flers comprend 30 000 habitants dont environ 10% d’origine étrangère, soit 25 nationalités différentes. La venue de ces derniers s’est faite en plusieurs périodes : Avant guerre : o Italiens et Polonais, comme dans d’autres régions du Nord de la France, sont venus pour des raisons économiques ; ils travaillaient dans les mines de St Clair de Halouze o Espagnols pendant et après la guerre d’Espagne, pour des raisons politiques Après la guerre : o Réfugiés d’Europe centrale pendant l’ère communiste o Portugais, pour des raisons économiques o Le groupe le plus important : la population maghrébine qui correspond à  deux origines : réfugiés d’Algérie après la guerre c’est-à -dire dans les années 1965 et suivantes. Puis les Maghrébins offrant une main d’œuvre nombreuse aux entreprises locales en développement, ce qui correspondait à  la politique d’accueil du maire Emile Halbout répondant favorablement aux demandes de l’Etat. o Plus récemment, dans les années 80 : immigration turque venant de l’est de la Turquie, précisément de la région de Kars qui est devenu le groupe le plus important o Communauté africaine Aujourd’hui o Européens, anglais en particulier

Les nouveaux arrivants se sont installés principalement dans le quartier du Pont-Féron et quartier St Sauveur (ZUP) Ces communautés, surtout maghrébines et turques, ont connu des difficultés d’adaptation, d’intégration, de racisme latent faisant parfois la une des journaux nationaux, dans les années 80. Flers ayant pendant longtemps la réputation d’une ville difficile, voire dangereuse, Far West !!! Cette image négative n’est pas méritée.

2 - La médiathèque Ancienne puisque créée en 1874, longtemps installée dans l’orangerie à  cà´té du château, au milieu du parc, (surface 250 m²), elle comprend d’abord une section étude et le prêt adulte. Depuis 1980, la bibliothèque a déménagé dans des locaux plus grands, au centre Chaudeurge, rue du collège, dans un ancien lycée. Elle se trouve alors proche d’établissements scolaires, proche des quartiers Saint-Sauveur et du Pont-Féron. Elle offre de nouveaux services : bibliothèque pour les enfants, discothèque Des travaux d’agrandissement et de rénovation en 1999 et 2004 permettent la création d’une vidéothèque, du multimédia, de salles de projection et de réunion, soit environ 4000 m². Les collections se composent de 200 000 imprimés, 23 000 documents sonores, 5 000 vidéos et 800 Cdroms.

3 - Quelle approche la médiathèque a-t-elle eu vers les populations d’origine étrangère depuis les années 80 ?

a) D’abord des offres : D’abord, comme dans beaucoup de bibliothèque, ce furent des acquisitions d’ouvrages en langue étrangère et un travail avec les enseignants de langue arabe et turque ; mais des difficultés apparaissent rapidement : les populations venant principalement de régions rurales, sont souvent illettrés et les enfants parlent davantage le français que leur langue qu’ils maîtrisent mal. La plupart sont issus de communautés où la culture orale est prédominante. Les ouvrages étaient surtout lus par les enseignants... Mais en même temps, acquisition de livres sur les autres cultures et en français.

Participation aux fêtes interculturelles depuis 1984 qui rassemblaient les différentes communautés : stand de la médiathèque, participation à  l’organisation. Il s’agissait plus d’une volonté d’être présent sur la manifestation, de faire connaître le service, de montrer que nous n’étions pas seulement des pourvoyeurs de livres, mais que nous étions aussi dans la vie de la cité et des quartiers. Souvent la médiathèque proposait une grande exposition sur les cultures étrangères, empruntée à  l’Institut du monde arabe, aux consulats, à  la bibliothèque des 3 mondes...en lien avec les communautés flériennes.

Ce fut d’abord une volonté de connaître ces communautés et de les faire connaître, plus de manière livresque qu’avec de véritables contacts.

b) La mise en place d’un contrat de ville avec un volet culture - Plan Lecture et Ecriture - en 1993 a permis une autre réflexion et une cohérence dans nos actions. Davantage de moyens ont été accessibles, financiers bien sûr, mais aussi humains en particulier par la collaboration avec la Modus, service du Contrat de ville. La réflexion s’est formulée davantage o autour des partenariats : ce n’était plus simplement une offre o sur le fait que les communautés aient un besoin de mémoire et l’expriment pour une prise en compte o la certitude que les cultures s’enrichissent mutuellement o l’évidence que l’on peut avoir une culture commune ou la créer

Les ateliers d’écriture Deux ont été réalisés par la médiathèque, un par le lycée St Thomas d’Aquin et un est en cours aujourd’hui. Le premier et celui de cette année concernent les différentes communautés.

Quartier St Sauveur en 2002 « Les couleurs de mon quartier ; adieu la ZUP...bonjour Saint-Sauveur » - a été réalisé dans le cadre d’un projet de renouvellement urbain sur un quartier excentré, difficile, avec une forte population pauvre ou rassemblant des nationalités diverses. Le projet était de travailler sur la mémoire du quartier, à  travers l’implication des associations Colombe, Asti, de créer un lien fort, de développer une dynamique de quartier, de montrer son identité et de le valoriser par des productions visibles pour toute la population de Flers. L’écrivain, Elizabeth Coquart, une animatrice de l’Asti, ont conduit le projet avec 12 participants dont cinq d’origine étrangère, pendant 4 mois tous les 15 jours ou 3 semaines. Pour accompagner l’écriture et rendre visible cette action, plusieurs actions ont accompagné l’atelier : réalisation d’un livre (150 exemplaires distribués), 2 soirées carte blanche avec l’écrivain et ses invités (200 personnes), mise en scène et lecture à  voix haute des textes produits avec le Théâtre de la Boderie à  la médiathèque et dans le quartier. Le public était composé des familles, des amis, des gens du quartier, des abonnés de la médiathèque. Les contacts ont été très forts entre les participants, l’écrivain, la médiathèque. Chacun a ressenti la volonté de poursuivre. L’association Colombe a rebondi sur d’autres animations.

Venus d’ailleurs Cet atelier a été programmé pour les Flériens d’origine étrangère. Au départ c’est l’association ASTI qui a relayé une demande de ses adhérents étrangers. Il s’agit d’un travail de mémoire pour raconter le départ : pourquoi ? comment ? avec qui ? Raconter le voyage ? Raconter l’arrivée, les premiers jours et les premiers mois en France ou à  Flers. Ce travail permet de montrer la diversité, la richesse des origines, le poids de l’histoire et de comprendre l’image de Flers aujourd’hui. C’est un atelier de mémoire oral et écrit avec une cinquantaine de personnes : un animateur/écrivain Thierry Caquais conduit les enregistrements ou l’écriture aidé par une animatrice de la médiathèque. Cet atelier permet à  certains de s’exprimer pour la première fois (séjour dans les camps dans le midi), de raconter l’irracontable (fuite d’Algérie au milieu des morts), de partager avec leurs enfants (qui n’avaient jamais entendu leurs parents raconter)... Ce travail de mémoire est nécessaire pour dépasser les tensions personnelles, familiales, dans les groupes... Projet pour finaliser l’action : édition d’un livre illustré, soirée carte blanche, spectacle et lecture à  voix haute, exposition de photos

Ces ateliers nous ont montré que par l’écriture individuelle, personnelle on pouvait aboutir à  une aventure collective. Le partage et la connaissance ont été positifs pour tous.

GRANDS EVENEMENTS Ils ont été mis en place pour :
- Créer une dynamique commune, associer l’ensemble de la population.
- Créer un temps fort qui permet de construire une identité commune

Spectacles Organisés au moment des événements autour du livre, les spectacles rassemblent les publics à  la médiathèque ou dans les quartiers. Ce sont des spectacles pour les enfants ou pour les adultes. La diversité est prise en compte, le regard sur l’autre est différent par la découverte de la richesse culturelle Ex : spectacles d’Ali Badri

Salons du livre Organisés tous les deux ans depuis 1995 autour d’un thème, 2 ont concerné les populations étrangères : L’Afrique, Mots des villes-mots des champs. Ces salons offrent expositions, échanges avec des auteurs, conférences, ateliers, spectacles Ils ont permis à  chaque fois la découverte d’autres cultures. C’est aussi un travail sur l’année avec les partenaires : scolaires, associations, organismes...

Dotations financières Le Plan lecture permet le soutien des actions autour du livre organisées par des associations relais, par exemple : Flash : bibliothèques de rues dans les quartiers, puis le bus Gare aux contes Flash petite Enfance : travail avec les familles, les parents d’origine étrangère

Difficultés o Moyens en personnel, pour une qualité de la médiation nécessaire, ouverture, humanité, formation o Regard des gens sur la culture ; la confusion est vite faite entre religion et identité culturelle. Une approche historique est nécessaire pour une bonne compréhension (sinon remise en cause du savoir par la religion) o Environnement social : il est difficile de mobiliser des gens qui doivent faire face à  des difficultés quotidiennes. o Difficile de mesurer l’impact des actions

Conclusion Richesse des échanges, des rencontres, de découvertes Fin du contrat de ville en 2006, mais le lien social est créé ; certaines activités peuvent continuer sans le contrat.

CONGRES NATIONAL DE L’ABF A GRENOBLE DU 17 AU 20 JUIN 2005 Cette année encore, le groupe Normandie a été fortement représenté par 8 personnes lors du congrès national dont Mme Suzanne Tribouillard de la bibliothèque de Dives sur Mer qui était invitée par notre groupe et qui a apprécié l’accueil réservé aux participants et la pertinence des interventions tant nationales qu’internationales. Le thème de cette année était : DROIT DES BIBLIOTHEQUES, DROIT DES USAGERS . Ces quatre journées ont débuté par le témoignage de Nancy Krani