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Association
des Bibliothécaires
de France

10/03/2006 - Compte rendu : La bibliothèque à l'heure de l'intercommunalité

 

Le 10 mars dernier, à la Cité du livre à Aix-en-Provence, le groupe ABF Paca avait invité Emmanuel Négrier et Jean-Paul Roux-Fouillet ainsi que deux responsables de la lecture publique dans des EPCI : Dominique Deschamps et Anne Giujjuzza.

E. Négrier s’est attaché à présenter les conséquences que pouvait avoir le fait intercommunal dans les bibliothèques. Il dresse tout d’abord un bilan de la loi : son succès numérique et celui de la diffusion du modèle. Si les communes hors communauté font aujourd’hui figure d’exception, les modèles d’intercommunalité sont aujourd’hui fortement dissociés :

  • la communauté « cosmétique », qui ressemble à une structure communautaire mais n’a aucun projet et dans laquelle aucun transfert de compétence n’a été décidé.
  • la confédération métropolitaine, où l’exigence du consensus absolu empêche toute action. Ici existe souvent, en plus du conseil communautaire, un bureau des maires qui peut exercer un droit de veto.
  • la fédération sélective, où seul décide le conseil communautaire. Elle intervient souvent sur certains secteurs seulement et le dynamisme y est d’autant plus fort qu’on aura fait l’impasse sur d’autres.
  • la « super municipalité » en gestation, modèle très minoritaire, où le leadership a basculé du côté intercommunal. C’est elle qui donne la capacité d’invention de la ville de demain.

Les périmètres des communautés sont encore trop petits pour permettre de se placer dans une vraie logique de solidarité urbaine.

Quelle compétence ?

Aujourd’hui les communautés qui se sont dotées de la compétence culturelle sont les plus nombreuses. Les raisons sont diverses : le contexte local n’a pas toujours permis d’en choisir d’autres ; l’intérêt communautaire n’est pas forcément défini ... Enfin, il existe parfois un véritable projet culturel qui servira d’élément identificateur de la structure, ou des domaines qui manifestent de réels besoins. On relève 4 types de prise de compétence culturelle :

  • Définie sur le rayonnement de l’équipement.
  • Mise en oeuvre sur un domaine qui servira de pilote pour d’autres transferts à venir.
  • Tous les équipements, et rien que les équipements, sont transférés, ce qui vaut des bonifications fiscales mais laisse posée la question du lien entre les équipes et le projet culturel, de même que celle du financement des associations implantées dans les communes.
  • Tout bascule à l’échelle intercommunale pour multiplier les bonifications fiscales. Des enveloppes de la communauté peuvent alors être municipalisées et permettre le développement de projets expérimentaux dans des communes.

Les tendances varient avec la date d’option. Il oppose une logique de coup politique à une démarche de diagnostic préalable. Il faut aux communautés un leadership politique stable et coopératif et surtout que soient présents des porteurs de projet. C’est la responsabilité des acteurs culturels dans les affaires institutionnelles.

Le succès de la lecture publique

La lecture publique est en tête des compétences transférées dans le domaine. E. Négrier analyse trois raisons de ce succès :

  • les équipements de lecture publique ne sont pas seulement dans la ville centre.
  • pour les élus, la médiathèque est avec l’école de musique le service public culturel par excellence.
  • la troisième raison tient à la mobilisation des acteurs et aux expériences antérieures dans ce domaine.

Les mises en oeuvre sont très différentes : de Troyes, où la BMVR et 2 annexes sont intercommunales mais pas les B.M. des autres communes, à Montpellier, qui s’est dotée d’un schéma directeur et verse à la communauté la BMVR et des « médiathèques d’équilibre ». C’est parfois la centrale seule qui est transférée, ou bien l’ensemble, comme à Clermont-Ferrand avec la BMIU.

Les objectifs pour les bibliothèques

L’intercommunalité est un moyen. Les objectifs en sont la professionnalisation, la mutualisation et l’ouverture vers de nouveaux publics avec de nouveaux services. Leurs énoncés sont parfois d’une grande banalité et leur mise en oeuvre très difficile.

  • Professionnalisation. Il y a parfois une grande disparité des équipements et des équipes : un schéma de développement communautaire peut chercher à équilibrer la présence de professionnels sur un territoire.
  • Mutualisation. Celle-ci peut concerner le schéma informatique, une politique documentaire ou une politique d’animation. Troquer l’indépendance contre l’autonomie ? Des renoncements y sont nécessaires, mais des compétences peuvent être accrues.
  • Nouveaux publics, nouveaux services. Il s’agit de mettre en commun des moyens pour appréhender les besoins d’un territoire et mettre en oeuvre des politiques concertées sur les publics.

En conclusion, E. Négrier interroge les autres échelles de territoire. Les départements vont-ils suivre ce déplacement des enjeux comme le font déjà les BDP dans l’Hérault et le Bas-Rhin, par exemple ? C’est bien ce point de vue, pour l’instant minoritaire, qui est en germe dans les plans départementaux de développement de la lecture publique. La Région pourrait-elle passer d’une politique du livre à une politique de la lecture publique ? La formation, l’aménagement du territoire, le lien avec sa politique du livre sont autant de secteurs où la région peut appliquer ses compétences.

Les conditions d’un bon transfert

Les interventions de l’après-midi étaient plus pratiques. A J.-P. Roux-Fouillet on avait demandé de nous préparer au passage à l’intercommunalité.

La prise de compétence se fait selon le principe de « subsidiarité ». Elle peut être complète ou partielle : maîtrise d’ouvrage de la construction d’une médiathèque, réseau de lecture publique, animation,... La déclaration d’intérêt communautaire doit précéder le transfert. En effet, cette notion n’est pas définie explicitement par la loi Chevènement.

Le transfert est un transfert de gestion ou de maîtrise d’ouvrage. Le transfert de gestion est toujours global. Intégré dans un projet de développement de la lecture publique et précédé d’un diagnostic territorial, il est basé sur la mise en œuvre d’un réseau de lecture publique avec un réseau de services. Il faut en prévoir les conséquences, notamment en matière de gestion du personnel. Certains sont restés sans suite, ou ont été annulés (Moulins, Chartres).

Témoignages d’EPCI

Dominique Deschamps :

Plaine commune est une communauté d’agglomération de 310 000 habitants. Il n’y a pas de ville centre, les huit communes comptent au moins 30 000 habitants. Elle se définit comme une coopérative de villes.

Le transfert est récent, effectif au 1er janvier 2005. Il concerne la lecture publique en totalité, maîtrise d’ouvrage et gestion des équipements et s’est accompagné d’un diagnostic préalable. L’ensemble des ressources était assez touffu mais le constat était plutôt défavorable. La décision a été prise avec une volonté très affirmée de développer la lecture publique. Le budget en a été augmenté d’un quart.

Plusieurs axes, déjà mis en oeuvre :

  • mise en réseau : catalogue unique, carte unique, fusion des 6 catalogues informatisés
  • gratuité pour tous, harmonisation des conditions de prêt
  • plan de construction sur 12 ans : 20 000 m2 à construire
  • plan concerté de développement des collections
  • animations culturelles mutualisées.

Anne Giujjuzza :

La communauté des Côteaux d’azur, à 20 km au nord de Nice, est constituée de 3 communes (une ville nouvelle et deux villages) et réunit 16 000 habitants. La question du transfert se pose en 1999 pour aboutir à la prise de compétence en 2000 et un transfert en 2002. Sa mise en œuvre sera difficile.

Le transfert pose divers problèmes de fonctionnement car la médiathèque intercommunale est absente de certains dispositifs municipaux (Contrat de ville). De même, Carros n’appartient pas au réseau de la BDP, ce qui n’est pas le cas des deux villages. Cette contradiction a finalement été résolue : une convention fait de Carros la bibliothèque experte pour le secteur, la BDP continue d’assurer la desserte.

Les questions ont été nombreuses tout au long de la journée : statut des personnels, harmonisation des régimes indemnitaires, avantages pour le public.

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